Contre l’immigration de masse, vers une Suisse insulaire?

UnknownRarement une telle union sacrée aura vu le jour sur cette problématique migratoire: la quasi-totalité des partis politiques et l’ensemble des milieux économiques, qu’ils soient patronaux ou syndicaux sont au front.

Ainsi, si ces différents groupes de pression étaient suivis, cette initiative ne passerait pas la barre des 10% d’acceptation; or elle fera un score sensiblement plus élevé. Pourquoi ? Parce que, si elle apporte de mauvaises réponses, voire de très mauvaises, elle relaie des interrogations et des craintes partagées par de nombreux habitants. Notamment sur le volume de population – qu’elle soit d’ailleurs indigène ou étrangère est ici indifférent – que notre pays peut accueillir réalistement et sur la capacité que celui-ci a ou n’a pas de dimensionner ses infrastructures: logements, places de travail, moyens de transport, hôpitaux…

Ceci dit, remplacer la libre circulation négociée avec l’Europe par un retour au système de contingents n’amènerait que tracasseries supplémentaires et probablement au final ne diminuerait guère l’accroissement annuel de population migrante, puisque, à l’évidence, la Suisse a besoin de ces bras et de ces cerveaux. Rappelons que l’installation en Suisse ne peut être actuellement autorisée que sur la base d’un contrat de travail et que nos chiffres de chômage sont sans commune mesure avec ceux de nos voisins.

Le seul mérite de cette initiative est de rappeler aux milieux économiques et politiques que la prospérité générée ces dernières années a fragilisé matériellement et psychologiquement la partie de notre population aux revenus les plus modestes. Il faudra expliquer de manière convaincante les vertus de la libre circulation au père de famille à Fr. 4000.- par mois qui doit trouver un logement, à l’ouvrier suisse qui aspire au niveau de vie de son homologue frontalier, au travailleur sur les chantiers qui voit débarquer des maçons ou plombiers à 8 Euros de l’heure, à l’agriculteur qui se voit imposer des prix européens avec des coûts de production restés eux bien helvétiques…

Cette initiative n’apporterait pas de solutions aux situations évoquées ci-dessus ; il convient donc de la rejeter. Mais ce qu’il ne faut surtout pas rejeter ce sont les difficultés quotidiennes des Suisses qui se frottent chaque jour aux dures réalités de la mondialisation. Si la tentation insulaire n’est pas réaliste, le renforcement des mesures d’accompagnement permettant à chacun d’avoir sa petite part de prospérité est plus que jamais d’actualité.

Denis-Olivier Maillefer, Député

(texte paru aussi dans l’Omnibus, journal de la région d’Orbe ce vendredi 17 janvier)